Dans la presse musicale anglaise, le sport national, c’est de dénicher le prochain gros truc. « The next big thing », comme ils disent là-bas. Le prochain groupe qui s’extraira de la mêlée et transformera l’essai en convainquant esthètes de la scène indie et profanes guidés par les têtes de gondoles de la Fnac. Comme un bon demi d’ouverture, au rugby, fait fantasmer les consultants de la BBC en envoyant valdinguer n’importe quel drop dans l’embut.
Pour mettre à jour un tel spécimen, les journalistes se crament les yeux, et les oreilles, sur MySpace. A l’affût de la moindre rumeur, du moindre emballement d’après concert. Et si le groupe n’a rien sorti, c’est encore mieux. On a connu Arctic Monkeys, et après eux, Lily Allen, dont on aime colporter qu’ils ont explosé par MySpace. Puis Klaxons. Et plus récemment, les Does It Offend You Yeah? ou les New-Yorkais de MGMT. Aujourd’hui, il y a les Late of The Pier. « Au bout de la jetée », qu’ils se sont appelés, ces quatre gamins d’à peine 20 ans, bien plus chevelus que les piliers du XV à la rose. Pas un canard pour flinguer ce nouvel oiseau rare. Et Fantasy Black Channel, leur premier album, remporte plus de vivats, et pisse plus de lignes, qu’une victoire du rugby anglais contre les All Blacks.
Une intro tonitruante sur Hot Tent Blues, avec un jeu de toms carabiné et un riff immédiatement engageant, culbute l’auditeur sur Broken, premier réel titre de Fantasy Black Channel. Agrippée dans les aigus, la voix du chanteur Sam Dust titille Bowie, comme sur Space & The Woods, premier single paru sur vinyle. En Mars 2007 déjà, moment ou l’electro glam des Late of The Pier a émergé sur la jetée du rock mondial, lançant les pêcheurs des majors à la course aux appâts les plus charnus.
Avec ses sirènes electro, urgentes comme une ambulance remplies de clubbers en apoplexie, sa voix robotique sans émotion comme chez Depeche Mode, voire Kraftwerk, et son beat aussi rapide qu’un ailier du XV à la rose et aussi régulier que le tea time chez Gordon Brown, ce morceau spatial propulse les quatre étudiants de Donington sur les traces de Klaxons, LCD Soundystem, Midnight Juggernauts, DIOYY. Ou Metronomy, trio du Devon dont le premier album est sorti en Angleterre après Fantasy Black Channel, mais qui tourne depuis 1999. Et qui a d’ailleurs remixé The Bears are Coming pour Late of The Pier. On se croise, en bout de jetée. Le titre, Bowie aurait pu le composer. Mais il est ici défiguré par des gargouillis electro à la Boys Noize et des bruitages samplés, eux-aussi, à l’heure du thé dans la tasse de Gordon Brown. Et la cavalcade s’achève alors que le premier anglais bois la tasse justement, apprenant le retour de Blair, sans doute, tant sa théière se brise net.
Sur White Snake, Sam Dust beugle comme Alex Kapranos des Franz Ferdinand sur d’envahissantes guitares à la ZZTop, enrobées d’un glacis de clavier à la Supertramp. On frise l’incompatibilité, mais le rock de 2008, syncrétisme athée de punk, de pop et de dance, ne se fait pas prier pour fouler aux pieds les religions des genres musicaux. Après une virée plus pop sur VW, l’urgence réapparaît sur Focker, où les Late of The Pier se muent en Kaiser Chiefs qui auraient oublié de gober leur Relatine avant de grimper sur scène. Le refrain est immédiat, idéal pour les grandes salles.
The Enemy are The Future, manifeste antithétique à la musique, précède alors le sprint final vers l’embut. Long morceau qui ne démarre jamais, emballé par une basse lancinante et un jeu de batterie léger, comme un match qui jouerait les prolongations. On pense à Ian Curtis et sa voix gutturale accompagnant ses potes de Joy Division en pleurant.
Mad Dogs and Englishmen, percée en force sur l’aile, est un rock plus classique, punk et crade comme un tube de Gossip. En Wallonie, Montevideo pourrait revendiquer son ascendance. Ça pétarade, ça beugle, et les consigne du coach sont respectée : la victoire tombe en fin de morceau, alors que retentit, comme la clameur de tout un stade, un viva de clavier presque aussi kitsch qu’une annonce de grand magasin. Ou une annonce du speaker du stade de Twinkenham, fief des rugbymans anglais. Voire une annonce de Sam Dust lui-même qui, alors que l’ambiance retombe un peu à l’entame des dernières minutes de jeu sur Bath Room Gurgle, s’enhardit une ultime fois. Et harangue tout à la fois ses troupes, penchées sur leurs instruments pour achever l’auditeur comme l’Angleterre le ferait d’un adversaire de seconde zone : Tonga, le Sri Lanka ou… la Belgique.
Et de regagner le vestiaire sur un morceau caché, calme comme Twinkenham après le labour de ses plus fidèles soldats. 40 minutes sont passées, il faut se reposer : seconde mi-temps avec le prochain album des Late of The Pier.
Julien RENSONNET
I could not refrain from commenting. Exceptionally well written!
Rédigé par : Maine SEO CompanyMaine SEo Services | 03 novembre 2013 à 11:21