Même si on les rencontre à Anderlecht, MVSC n’est pas le nouveau sporting club ressuscitant deux équipes de foot historiques de la capitale. MVSC, c’est le supergroupe formé des rockeurs frimeurs de Montevideo et du discret producteur electro chevelu Compuphonic. Une alliance entre Bruxelles et la province. Entre l’arrogance et la mesure. Pour une musique bâtarde, un son entre Infadels, The Rapture et Just Jack, qui claque sous un nom qui claque. Comme chez MGMT. «Mais franchement, on a déniché ce nom avant qu’MGMT explose», assure Jean Waterlot, charismatique voix du collectif. Mouais…
Votre histoire commune commence avec le remix de "Sluggish Lovers" par Compuphonic…
Jean - Effectivement, après notre live exclusif à Dour en 2007, on a voulu répondre à beaucoup de demande des festivals. Les initiales sont ressorties, pour une raison visuelle, graphique. Et ça fonctionne car ça ne détourne pas le public de l’importance de notre rencontre. Mais j’avoue qu’on avait peur de passer pour le dernier posse du coin, qui taggue son nom dans les ruelles.
Max, pourquoi t’encombrer d’un groupe de rock? Ça coûte plus cher en tournée, c’est difficile à enregistrer…
Max (Compuphonic) - Si je fais de la musique, c’est pour m’amuser. Être DJ, c’est super facile. Tous les DJ le disent, au moins entre nous. Et c’est stérile. Tu picoles, tu vis la nuit. J’ai déjà fait partie d’un groupe et je voulais y revenir. C’est stimulant de composer des lives…
Jean - Le métier de DJ est incroyablement, scandaleusement bien rémunéré, c’est frappant ! Je mets au défi n’importe quel DJ de vivre une tournée avec nous dans notre van !
Max - En plus, les DJ qui ne produisent pas, ils s’ennuient. C’est pour ça qu’ils composent. Pas pour faire face à un soi-disant complexe de l’artiste. Être DJ, c’est réutiliser sans cesse les mêmes recettes. Composer pour et avec des musiciens, ça t’oblige à te renouveler.
Comment se passent vos enregistrements?
Max - Plusieurs titres de l’album ont été enregistrés chez moi, dans mon home studio. Ils peuvent côtoyer les autres sans choquer, même s’ils sont très impulsifs.
Jean - Ce qui est intéressant avec Max, c’est que c’est un vrai obsédé du son. Il ne s’arrête jamais de rechercher des qualités différentes.
Max - D’habitude, avec le rock, chaque son est enregistré de façon qualitative, séparément. Moi, je cherche des logiciels libres japonais, sur internet, pour trouver des effets inédits. Je veux absolument éviter le son studio trop rock et trop massif.
Jean - Pendant le mixage de l’album, Max est revenu de Londres deux semaines avant le mix final avec un vieux synthé racheté à Goran Bregovitc, le type qui fait les musique pour les films de Kusturica. Ça montre l’étendue de ses investigations sonores. Et on voit pas le bout du truc.
Max - L’avantage du home studio electro, c’est que Jean peut m’envoyer ses voix. Je prends alors un synthé et je réalise un remix immédiat. Je suis très libre.
On vous sent rassuré quant à votre démarche…
Max - ça donne une liberté énorme. On est à l’abri de la crise du disque. On peut balancer l’album sur le net, gratos, sans intermédiaire. Si le disque meurt, on mourra pas avec.
Jean - Montevideo, en tant que groupe de rock, n’a pas cette liberté.
Max - ça rassure. On va pas se cantonner au format CD - album. On enregistre des maxis, qu’on peut envoyer à des labels electro. Le format album est trop lourd à mettre en œuvre.
Jean - On ne regarde plus les ventes, mais la force du happening. L’album est notre terrain de jeu.
Comment est la nuit belge, que vous fréquentez tout deux comme DJ ?
Max - Je trouve qu’il y a une certaine hypocrisie à dire sans arrêt que le public belge est incroyable. C’est pas vrai. Parfois, c’est très difficile de le convaincre, de l’emmener dans des trips. En Angleterre ou en Scandinavie, les gars sont plus ouverts. Tu peux jouer de plus longs sets.
Jean - Côté néerlandophone, ils ont la culture anglo-saxonne, c’est indéniable. A cause du néerlandais, si limité géographiquement et culturellement, ils sont obligés de s’intéresser à la scène anglaise. On peut donc dire qu’il y a un contraste énorme avec la culture wallonne francophone : la jeunesse flamande connaît ses classiques et tu n’es pas obligé de jouer MGMT remixé par Soulwax pour les garder. Tu peux prendre des risques. Alors que le francophone a besoin d’être rassuré, de se dire : «ah ouaaaais, je reconnais ce truc, cool!»
Contents de votre live?
Jean - Au début, pas trop. On a été dépassé par le succès du remix de «Sluggish Lovers». On veut un live à la hauteur de l’album. On accepte parfois des dates à contrecœur… Le batteur, Pierre, y reste le maître absolu du tempo et du groove.
Jean, vous avez l’image d’un arrogant sur scène…
Jean - Pour Montevideo, ça passait. Je me suis construit un personnage frimeur, arrogant, qui la ramenait sans arrêt. Mais avec MVSC, je la joue «low profile». En plus ici, je chante enfin.
Et pour toi, Max, l’album est-il une façon de te médiatiser enfin, alors que tu as déjà beaucoup enregistré en tant que Compuphonic?
Max - En electro, tu es connu un petit peu partout dans le monde. En rock, tu es bien mieux médiatisé par ta presse nationale, mais c’est aussi beaucoup plus lourd de sortir des frontières. J’ai de toute façon pas de problème d’ego. Je suis pas du genre à peaufiner mon MySpace pendant des heures où à fignoler des shootings photo. Mais pour viser plus haut, tu dois maîtriser ton image.
Comme Tiga, que tu connais…?
Max - Oui, lui, il pause à fond. Il est très fort, il a un personnage fort.
Jean - Max ne fait pas comme Tiga, qui apporte ses bidouillages chez les Soulwax pour qu’ils finissent le travail. Il reste humble.
Max - Et puis, les dates de DJ, c’est lassant. Au début, c’est génial, mais au final, l’avion, les scènes tout seul, tu en as marre. J’ai même refusé une tournée de 10 dates en Australie.
Pas trop peur de la crise du disque?
Jean - Tu sais, quand tu touches 2% sur chaque disque et que t’en vends 5.000… La crise, c’est pour les gros vendeurs. La crise du disque en Belgique, ça concerne Clouseau et Axel Red. Point.
Interview:
Julien RENSONNET
i - MVSC, Sunderland, Playout/PIAS
@ - http://www.myspace.com/mvscmusic
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