Les yeux cernés , la barbe mal entretenue, le cheveu gras et sommairement coiffé, un tee-shirt de Youri Gagarine - « mon idole : il est parti dans l'espace le jour où je suis entré à l'école
» - sur le dos : aucun doute, c'est bien Emir Kusturica (à gauche sur la photo) qui descend
gauchement l'escalier de l'hôtel Westminster, au coeur de Paris.
L'actualité du réalisateur bosniaque, deux fois Palme d'or à Cannes,
est double : alors qu'il égayera les fêtes de Wallonie avec la musique
tzigane et festive de son No Smoking Orchestra samedi, il sera à
l'affiche de L'affaire Farewell, le nouveau Christian Carion (Joyeux Noël),
dès le 23 septembre. Pour une première très convaincante en tant
qu'acteur dans le rôle d'un colonel du KGB qui joua les espions pour
l'Occident, contribuant de la sorte à démanteler le bloc soviétique au
début des années 80. Interview dans un anglais très... slave. (photo Reporters)
Vous et votre groupe venez jouer gratuitement à Namur : pourquoi?
Pour
le simple plaisir de partager avec le public notre amour de la fête et
de la musique. Une musique spontanée, que n'a pas encore pervertie
notre époque. Loin de la techno et de ses beats à répétition sans
humanité.
C'est pour cela que vous hurliez « Are you free ? Fuck you MTV » lors du dernier festival Couleur Café?
(Il
éclate de rire) Ce n'est pas poli, je sais... C'est notre conception
politique que je critique par là. Nous détestons toute cette génération
de marchands qui ont transformé la musique - entre autres - en objet.
MTV n'en est que le symbole. C'est une machine à laver dans laquelle
les jeunes mettent leur cerveau et qui finit par le détruire. Nous
préférons notre liberté à de l'argent facilement gagné.
La musique est-elle une bouffée d'air frais entre deux projets cinéma?
Un
peu, oui. Sur un tournage, il y a tellement de détails à régler que
vous perdez, peu à peu, le sens du secret. Avec la musique, je le
retrouve. C'est d'autant plus important qu'aujourd'hui tout va dans le
sens d'une démystification. Or, le monde a besoin de secrets. Et l'art
se doit de jouer avec eux. Mais la scène est aussi une histoire de
potes. Le groupe est composé de gens très proches les uns des autres.
On boit, on joue, on s'engueule, on se marre tous ensemble. C'est une
catharsis très excitante qu'on essaie de faire partager à un public
qui, visiblement, en a besoin.
Vous venez souvent en Belgique: c'est un pays que vous aimez?
Beaucoup,
oui. J'y viens avec plaisir, j'apprécie cette forme de paix sociale qui
y règne. J'espère que les problèmes communautaires que vous avez pu
avoir ne vont pas exploser, comme ce fut le cas dans mon pays
d'origine. Car votre situation est très similaire, finalement, à celle
que nous connaissions alors en ex-Yougoslavie.
Quatre jours après votre concert namurois sort « L'affaire
Farewell », film dans lequel vous effectuez vos débuts d'acteur : une
nouvelle carrière qui démarre?
Non, je suis trop vieux (NDLR : il a 54 ans),
c'est trop tard. Mais j'aime les challenges, et celui-là en était un.
Peut-être jouerai-je encore ponctuellement, mais je ne bâtirai pas une
carrière là-dessus...
On vous imagine bien jouer un méchant dans James Bond : intéressé?
(Il
sourit) Ouais, peut-être bien. Ça me plairait beaucoup, en fait. Du
moment que vous ne me demandez pas de jouer Bond : là, il faudrait que
je perde 15 kilos. Minimum.
Comme Bond, Grigoriev, votre personnage (qui a existé) combat le bloc soviétique...
Sauf
que s'il livre de précieux secrets aux Américains, il le fait par amour
pour son pays. Parce qu'il a le sentiment qu'on est sur la mauvaise
voie. C'est un idéaliste qui croit pouvoir changer le monde. Et y
arrive un peu. Ce qu'il a fait ne venait pas d'un complot, mais de
lui-même. C'est ce qui m'a séduit.
Il paraît que le début du tournage fut un enfer tant vous étiez
imprévisible : Guillaume Canet, votre partenaire, voulait même quitter
le tournage après trois jours...(Il sourit) Ah bon ? C'était
surtout un problème technique : je suis arrivé tard sur le projet et
j'avais du mal à mémoriser mon texte. D'autant que je devais le faire
dans deux langues étrangères, le français et l'anglais. Je voudrais
bien voir Guillaume jouer en russe et en ukrainien (il éclate de rire) !
A Paris,
Michaël DEGRE
+ Emir Kusturica sera place du Grognon à Namur, le vendredi 19 septembre à 22h
+ No Smoking Orchestra sur MySpace
Ou trouver ce T-Shirt???
Rédigé par : FD | 09 octobre 2009 à 19:44