WEB | Django à l'honneur sur Google

Ce n'est pas tous les jours qu'un musicien né en Belgique s'offre les honneurs de la page d'accueil de Google. Pourtant, c'est bien Django Reinhardt qui squatte le deuxième «O» du célèbre moteur de recherche, ce samedi matin.

Voilà, une façon respectueusement webbique de marquer le centenaire de la naissance du guitariste manouche. Celui-ci est en effet né le 23 janvier 1910 dans la roulotte familiale, à Liberchies, près de Pont-à-Celles, en Hainaut.

+ Hommage et photos dans la suite de la note

Django, c'est la guitare festive et virtuose, un art consommé de la musique qui donne l'envie de joyeuses escapades... Normal, son talent, Jean-Baptiste l'a cultivé dans les bals musettes avec des accordéonistes. Django, c'est aussi le courage. Deux doigts perdus l'ont obligé à réapprendre la guitare en mettant au point une technique très personnelle.

Aujourd'hui, la musique de Django s'écoute avec la nostalgie au bord du cœur. «Nuages» est devenu un hymne à la rêverie universel et lorsqu'on réécoute les pièces enregistrées avec le Hot Club de France (en compagnie notamment de Stéphane Grappelli), on ne peut s'empêcher de se laisser mener par cette musique-patrimoine bien ancrée dans l'inconscient collectif.

Géant

Vous doutez de l'influence et de l'importance de Django? Un seul exemple à vous faire partager. La technique particulière de Reinhardt était impressionnante en soi, mais elle explosait littéralement dans ses solos et ses improvisations. Ces  performances laissaient les guitaristes américains admiratifs. Ainsi lorsque le critique de Jazz Leonard Feather publie son encyclopédie en 1955, Django Reinhardt est le seul guitariste non-américain qui figure dans sa liste des «Giants Of Jazz».

Django s'épatait même lui-même. Dans son livre «Douze années de Jazz», le critique et producteur Hugues Panassié raconte les séances d'enregistrement avec Django : «Il enregistrait avec beaucoup d'entrain. Il se lançait dans les improvisations les plus audacieuses et modifiait totalement ses essais d'un solo à l'autre. Il fallait le voir écouter les cires d'essai : lorsqu'il entendait une de ses phrases fulgurantes – qu'il avait déjà oubliées – il bondissait de stupeur, poussait des cris de joie, comme un enfant s'étonnant de ses propres exploits».

Django Reinhardt est mort en 1953 à Fontainebleau.

T. D.

De la roulotte au Carnegie Hall: rendez-vous raté

Il s'appelait Jean. En chemin vers les Ardennes, la caravane s'arrête à Liberchies, les gitans y divertissent quelques mineurs locaux, et dans une caravane naît ce 23 janvier le petit Jean, nom que la maman va trouver trop commun pour cet enfant tant attendu : on l'appellerait Django. Dans la famille d'artistes il ne faut pas longtemps pour que Django se retrouve avec un banjo entre les mains, l'apprentissage se fait vite au contact des cousins... Arrive la première guitare.

La roulotte en flammes

Au retour d'un concert, Django entre dans sa roulotte et sa femme allume les bougies. L'une d'elles tombe dans les bouquets de fleurs artificielles préparés pour l'enterrement d'un ami gitan, et tout s'embrase. Prisonnier des flammes, Django sera gravement brûlé à la main gauche, une catastrophe pour un guitariste prodige. Le lendemain, il aurait dû signer un contrat pour jouer à Londres... Six mois plus tard, à force de travail et d'abnégation le jeune Django rejoue de la guitare, et de quelle façon !

Et Grappelli est arrivé

Pour arrondir les fins de mois, Django est engagé dans un orchestre qui fait le bonheur des tea-rooms d'hôtels parisiens comme le Claridge. C'est là qu'il rencontre Stéphane Grappelli et le courant passe immédiatement. Quelques semaines plus tard, le Quintette du Hot Club de France fait vibrer le public français, la gloire en quelques concerts, les maisons de disque se l'arrachent et tout semble aller trop vite pour celui qui, riche un jour, se retrouvait sans le sou le lendemain. Django était pris par le jeu, les paris, la nuit parisienne.

L'Amérique s'ouvre à lui quand le grand Duke Ellington en personne l'invite. Une rencontre qui aurait dû donner des étincelles, mais qui tourne court : le jour du concert au Carnegie Hall de New York, Django arrive en retard... Ses frasques l'isolent de plus en plus et Django connaît une retraite prématurée. Ayant brûlé la chandelle par les deux bouts, il se retrouve dans un état de santé peu enviable. Le 15 mai 1953, Jean «Django» Reinhardt décède d'une congestion cérébrale...

J-P. G.