Festival de jazz de légende, Juan-les-Pins a, pour son 50e anniversaire, répondu à l’attente d’un public venu encore plus nombreux. On y était.
Juan-les-Pins, plus ancien festival en activité d’Europe, c’est un peu l’événement annuel sur la Côte d’Azur, La Mecque de la note bleue, le festival où il est difficile de citer une star qui n’y soit pas venue : Louis Armstrong, Ray Charles, Ella Fitzgerald, Miles Davis, Dizzy Gillespie, John coltrane, Stan Getz, Benny Goodman, Fats Domino, Nina simone, Count Basie Sonny Rollins, BB King, dans le désordre et en oubliant une noria de stars… Sans compter toutes les animations annexes : une trenatine de concerts en festival « off » sur les places d’Antibes et de Juan, expositions, douze soirées au « Garden Beach Hotel » avec entrée libre et, en ouverture, la cérémonie des « Victoires de la Musique » retransmise par France 3.
Keith Jarrett à la balance
Pour sa 50e édition, Juan-les-Pins offrait une affiche de rêve avec, pour la 11e fois d’affilée, le trio de Keith Jarrett, Gary Peacock et Jack DeJohnnette, affiche d’autant plus alléchante que les concerts du trio se font rares. Citoyen d’honneur de Juan-les-Pins, Keith Jarrett réserve un traitement spécial à la station balnéaire : le public a le privilège d’assister au soundcheck du trio depuis le promenoir, en silence bien sûr et sans prendre de photos, un plus réservé aux quelques journalistes et photographes qui ont accès à l’avant-scène pour ce moment exceptionnel savouré par chacun à sa juste valeur.
Keith Jarrett est souriant et détendu, deux Steinway Grand Piano l’attendent sur la scène, l’un préparé avec les micros, l’autre en attente. Pendant vingt minutes, le pianiste passe d’un piano à l’autre, quelques standards en passant, même un extrait d’un prélude de Bach, puis le choix s’opère sur le Steinway n°2. On remballe le premier et reprend la balance… A 21 heures, les dernières recommandations : silence du public, pas de photos, un éclairage minimal et les écrans géants éteints…La magie peut commencer : « You go To My Head » laisse penser que nous aurons droit à un concert « classique » de standards, mais le ton change dès la deuxième pièce : un blues improvisé en sol précède une suite de pièces inédites dont deux compositions d’Ornette Coleman « When Will The Blues Leave ? » - avec un DeJohnette en grande forme - et « The Blessing ». Sur les ballades seul le clapotis des vagues s’immisce dans la mélodie, sur « Night And Day » un feu d’artifice du côté de Cannes ajoute à la magie du moment. En deuxième rappel, Keith Jarrett nous régale d’un funky « God Bless The Child »…
Diana Krall crescendo
Pas de problème de piano pour Diana Krall le lendemain : la belle emmène le sien dans un semi-remorque pour sa tournée européenne. Robe noire moulante empailletée, Diana Krall apparaît en diva, toise les photographes qui ont juste droit au premier morceau. Le concert démarre en douceur : la Canadienne semblant souffrir un peu de la chaleur, Anthony Wilson swingue à fond et Robert Hurst sonne comme peu de bassistes. On s’attendait à un répertoite latin comme sur son dernier album, on a eu droit à un délicieux melting pot du répertoire de la belle Mrs Costello avec quelques temps forts : ah ce superbe « Case Of You » de Joni Mitchell après « Jockey Full Of Bourbon » de Tom Waits, ce répertoire va comme un gant à la Canadienne ! « Walk On By » en rappel était là pour qu’on souhaite que ça ne s’arrête pas… En première partie, Kyle Eastwood avait donné un set mitigé, aux tendances polymorphes touchant au flamenco, à la samba, à l’acid jazz, la musique de « Lettres d’Iwo Jima » offrant un beau moment de lyrisme. Remember James Brown.
Soirée funk le 23 juillet avec Maceo Parker qui a enflammé un public acquis à sa cause dès les premières notes : « Make It Funky », « Give Me Some More », « Think » rappellent immanquablement le grand James Brown, « Moonlight in Vermont » came les esprits avant une nouvelle envolée ; le public debout s’avance jusque l’avant-scène, le délire à Juan ! En première partie, on découvrait pour sa première apparition à Juan « Brooklyn Funk Essential », une troupe jamaïcano-américano-scandinave qui en dégageait : ska, reggae, mambo, funk… un peu trop tôt dans la soirée pour que le public se lâche vraiment.
La soirée du parrain – Marcus Miller - s’annonçait grandiose, et elle le sera : Manu Katché en première partie présentait son dernier album ECM « Third Round » ; mise en place époustouflante, pianiste superbe et un Manu Katché qui, avec son talent naturel d’homme de scène, faisait donner le tempo du premier morceau par les trois mille personnes présentes. Avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo – qui justifiait la présence du Prince Albert et de sa fiancée -, deux invités de marque – Raul Midon et Lalah Hathaway – et un invité surprise – Manu Katché -, Marcus Miller reproduisait avec classe son album « Live in Monte-Carlo » ajoutant au programme « Tutu » et « Everyone Deserves A Second Chance » superbement interprété par Raul Midon. Un public encore plus nombreux que les années précédentes en avait eu plein les oreilles et plein la vue, car quel festival au monde peut se vanter d’avoir la Méditerranée comme fond de scène ?
Jean-Pierre Goffin
(Photo Office de Tourisme d'Antibes/Y. Seuret)
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