Le web les croit Espagnols. Basques même. Faut dire, les Crystal Fighters frappent le «txalaparta» et soufflent dans des «txistus». Un peu comme si un groupe electro belge faisait le zouave en recyclant tambours et fifres des marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Pourtant, le collectif n’a de basque que son indication d’origine sur MySpace. Ce qui n’empêche pas ses membres de revendiquer une nette indépendance artistique. Leur premier album, Star of Love, entrechoque en un luxuriant maquis folktronica la tradition séculaire et la modernité informatique. Alors que PIAS a l’excellente idée de programmer son nouveau phénomène ce vendredi aux PIAS Nites à Tour & Taxis, rencontre avec Graham, son torse velu bombé devant le txalaparta.
Vous n’êtes donc pas vraiment espagnols…
Non, on ne l'est pas, mais toutes nos influences viennent d'Espagne. Et la fille qui nous les a glissées est à moitié espagnole et à moitié française. On vit tous à Londres. Je suis américain et les deux autres membres du groupe sont anglais.
Comment vous êtes-vous rencontrés?
J'ai rencontré Sebastian et Gilbert via des amis. Je faisais de la musique de mon côté, puis on a été présentés. On a décidé d'essayer des trucs ensembles, et voilà.
Mais alors, comment ces sons espagnols, basques même, ont-ils déboulé dans votre musique?
Laura, qui écrit pas mal de nos textes, avait un grand-père basque. Il écrivait beaucoup. Quand il est mort, elle nous a ramené un tas de trucs très intéressants de sa plume. Ils nous ont beaucoup inspirés. Suite à ça, on s'est plongé dans la culture basque. On s'est rendu compte que cette culture si typique et surtout cette musique traditionnelle, étaient incroyables. À partir de là, on s'est procuré des instruments et on a commencé à composer notre musique, complètement actuelle, sur base de ces sons traditionnels.
Et vos textes, ils viennent de ceux que vous avez retrouvés?
Pas directement. Mais la plupart de nos thèmes en découlent.
Vos paroles sont-elles toujours signifiantes ou remplissent-elles parfois le rôle de musique pour sonner bien à l’oreille?
Non, non, on a beaucoup pensé au sens des mots. De chaque mot.
Peu de groupes électroniques chantent autant. Vos textes sont même carrément longs.
Oh oui, tout à fait. En fait on a toujours essayé que nos chansons puissent être jouées sans aucune production. Pour nous, ça n’avait pas de sens de trouver quelques mots qui sonnent bien pour les flanquer sur le beat.
En Espagne, vous êtes déjà connus?
Oui, on a là-bas pas mal de fans. C'est là qu'on a le plus de public et qu'on a joué nos plus gros concerts. C'est complètement incroyable, surtout au Pays Basque. Au début, on avait peur de leur accueil. Mais ça s'est bien passé et quand on est revenus, on avait pas mal de potes sur place et un accueil formidable. L'accueil du public basque est génial. Ils nous ont acceptés.
Y a-t-il d'autres groupes pop-rock ou electro au Pays Basque?
Euh ouais: Delorean, ils sont basques.
Crystal Fighters montre une véritable obsession pour le Pays Basque. C'est un cliché, mais cette région d'Espagne est plutôt connue pour son esprit indépendantiste et revêche. Or, vos paroles sont carrément rassembleuses.
C'est vrai, on peut l'interpréter comme ça. Mais au Pays Basque comme en Angleterre, on ressent davantage un respect immense pour les autres cultures. On y trouve un véritable sens de l'union et de l'amitié.
Votre obsession pour l’Espagne vous a aussi poussé à lancer sur le site du magazine Tsugi un podcast rempli de vieux tubes ibères un peu kitsch…
Ouais, tu sais, on adore tous ces vieux trucs pop espagnols remplis de synthés vintage. En fait ils pourraient tous être tout nouveaux!
C’est quoi vos plus grandes influences?
On a tous des backgrounds musicaux très différents. Et Crystal Fighters, c’est une combinaison d’individus aux racines multiples. Moi-même, je viens du rock improvisé. Je maîtrise bien les souches américaines, le blues et le jazz. Gilbert est un super DJ hip hop... C’est pour ça qu’on a réussi un album aussi varié.
La pochette du disque est très réussie. Et inquiétante. Elle figure des costumes traditionnels espagnols?
Ouais. J’crois que ce sont des fantômes mythologiques basques. On voulait aussi les collines. La peinture représente un rituel un peu morbide, un peu sacrificiel. C’est sombre et épique. Un travail du peintre John Stark, juste pour nous.
Dans la scène électronique, un synthé des années 80, c’est une antiquité. Vous, vous utilisez des instruments traditionnels plusieurs fois centenaires…
Oui, c’est vrai, mais la plupart des instruments basques qu’on utilise sont des percussions. Comme le «txalaparta» - une sorte de xylophone rudimentaire composé de bûchettes de tailles et diamètres différentes posées sur une caisse de résonance et que Graham frappe avec des bâtons, NDLR. Et les percussions fonctionnent très bien avec les sons dance modernes. Ça donne quelque chose de vraiment unique avec nos mélodies aériennes. Ça donne plutôt bien.
C’est difficile d’en jouer en live?
Ben en fait c’est juste quelques morceaux de bois qu’on frappe et ce n’est pas terriblement difficile à jouer en live. En jouer de façon traditionnelle est beaucoup exigeant. Mais on laisse ça aux spécialistes. Par contre, les flûtes basques - les txistus - sont vachement plus ardues à maîtriser.
Quand vous jouez live, vous préférez voir votre public écouter religieusement ou se démener de toutes ses forces?
On préfère franchement quand il danse. On a une attitude très punk sur scène, on bouge dans tous les sens. Donc on aime que le public suive. Sinon c’est toujours un peu triste.
Autre caractéristique marquante du disque, c’est la multiplicité de ses genres. Folk, pop, dance, electro, dubstep… Les titres sont-ils très travaillés?
Au départ, on devait toujours pouvoir les jouer live. Alors on se lançait, et on expérimentait. On partait dans une nouvelle direction, on ajoutait des nouvelles voix. Au fur et à mesure, les chansons sur lesquelles ont devait se concentrer pour un disque éventuel nous ont sauté aux oreilles. C’est un processus constant.
Pourriez-vous jouer ces morceaux sans aucune machine ou êtes-vous toujours obligés d’utiliser l’électronique?
On a enregistré jusqu’à 5 versions acoustiques de certains titres pour une version enrichie de l’album. C’est très cool d’entendre ces chansons d’une autre manière. Et ça sonne bien. Et franchement, on pourrait tout jouer de façon acoustique. Parce qu’une chanson est une chanson.
Et vous préférez quoi?
J’pense pas que jouer sans l’électronique est aussi fun. Parce que bon, tout le rythme, le chambard, les basses, c’est quand même terrible.
Où avez-vous le plus de potes? En Espagne, en Angleterre?
C’est complètement dingue, mais on a un max d’amis en Espagne. Mais forcément, avec Gilbert et Sebastian, on connaît aussi beaucoup de monde en Angleterre. C’est là qu’on a le plus de fans. Mais c’est aussi très cool de débarquer dans des villes où on n’est jamais allés et de voir que les gens nous attendent. On s’est fait plein de copains en Europe.
Et aux USA?
On a à peine joué deux fois là-bas. C’était bien. Surtout de jouer devant mes amis de toujours.
Et c’est comment d’être célèbre?
J’crois pas qu’on soit célèbres, si? On débarque seulement, là. Ça va être long.
En Belgique, on vous attend de pied ferme.
Eh ouais et ça va arriver. On joue à la PIAS Night ce vendredi 25 mars.
Que pourrais-tu dire à vos fans belges?
De venir nous voir absolument s’ils peuvent!
Interview:
Julien RENSONNET
i - Crystal Fighters, Star of Love, Different/PIAS
i - PIAS Nites avec Crystal Fighters, Buraka Som Sistema, Aeroplane, Cassius, Mustang ou The Van Jets, ce vendredi 25 mars, 25€.
@ - http://crystalfighters.com/
J'adore ce groupe ! Tu me l'as fait découvrir et je voulais te remercier : MERCI !!
Rédigé par : sticker | 13 septembre 2012 à 19:41